« Je ne vous parlerai, pour ma part, que de l’impression que nous avons ressentie quand, sur le coup de midi, au-dessus de la vaste campagne où s’entassaient les canons et où s’alignaient les fantassins, un oiseau d’or est arrivé à tire-d’aile, coupant d’un geste de défi le ciel azur. C’était l’adjudant Ménard sur son Blériot ! Il planait par-dessus le grondement des batteries et les évolutions des brigades de cavalerie. Il était à la foi très petit et très grand … »
C’est par cette introduction (Extrait d’un article paru dans La Petite Gironde pendant la Grande Guerre) que Bruno Baverel publie, dans ce N°20 des Ecrits d’Ouest, (revue publiée par la Société rochelaise d’histoire moderne et contemporaine sur l’histoire, la littérature et l’art de la Charente, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres, la Vendée et la Vienne), L’évasion de l’aviateur Victor Ménard, « As » de la Première guerre mondiale.
En effet, à l’entrée en guerre de la France, Victor Ménard, détenteur d’un brevet de pilote depuis 1910 après avoir débuté en tant que mécanicien sur ballons dirigeables, est naturellement affecté en tant que lieutenant-pilote à l’escadrille HF 32.
Le 12 octobre 1914, il est envoyé en mission : il s’agit d’une reconnaissance au-dessus de la ville de Lille, encerclée et soumise à un bombardement intensif. Le temps presse et le quartier général veut savoir si le 20ème bataillon de Chasseurs a réussi à arriver en renfort. Victor Ménard accomplira cette mission, se posant en acrobate sur l’esplanade qui se trouve devant la citadelle, sous la mitraille ennemie avec à son bord des dépêches, une caisse remplie de pigeons voyageurs et quelques médailles à distribuer.
Souffrant d’un fort mal de ventre avant de partir pour sa mission, il avait refusé d’être remplacé, minimisant la douleur qui l’accablait. Las, il s’effondrera au moment de remonter dans son avion, victime d’une péritonite appendiculaire et ne pourra redécoller de Lille, désormais occupée par les Allemands. Il sera hospitalisé, opéré, fait prisonnier par les Allemands et envoyé au camp de prisonniers de Halle-sur-Saale avant d’être transféré à Ingolstadt au fort Prinz Karl où il retrouvera le capitaine Zédé. Après deux années de captivité, il s’évadera en compagnie du lieutenant Pinsard, réussissant à passer en Suisse, puis en France où il reprendra ensuite les combats au sein du 1erGroupe d’Aviation, deviendra chef de la N 26 et commandant de l’Escadre de combat n° 1.
Victor Ménard ne s’arrêtera pas là ! Ayant quitté l’armée en 1924 avec le grade de lieutenant- colonel, il est pressenti pour faire partie d’une expédition au pôle Nord en tant que pilote de reconnaissance. Pour diverses raisons, cette expédition ne verra pas le jour. Nul doute que Victor Ménard aurait adoré survoler ces immenses régions polaires aux commandes de son aéroplane et l’auteur l’imagine, sa moustache couverte de givre, traçant des courbes superbes dans l’espace, planant émerveillé au-dessus de blancs infinis… Pourtant il reprendra du service. Quelques années plus tard, la Seconde Guerre Mondiale le mobilise à nouveau en tant que Directeur des écoles de chasse aérienne dès 1939. Après 1940 il entre en résistance. Arrêté par les Allemands en 1943, expulsé de son domicile de La Rochelle où il est arrêté le 10 août, il est déporté pour la seconde fois en Allemagne, à Reuth. Il en sortira à la Libération très affaibli, ne se remettra pas des privations subies et décédera après une longue maladie le 13 avril 1954 à l’âge de 72 ans. Son corps sera transporté et inhumé au cimetière de Rochefort, dans le caveau de famille, dans la plus stricte intimité. Le journal La petite Gironde lui dédiera ce texte : « L’une des plus prestigieuses figures de l’aviation de chasse française vient de mourir à la Rochelle. Grand officier de la Légion d’Honneur, titulaire de dix citations à l’ordre de l’armée, le colonel Victor Ménard disparait et avec lui s’éteint l’une des plus pures figures de notre aviation de chasse. Rochefortais pur sang, comme tant d’autres, il porta le blason de sa ville natale au sommet de la gloire : alors que l’on cherche des noms pour conserver dans la pierre le souvenir des enfants de Rochefort ayant bien mérité du pays et de notre cité, souhaitons qu’un jour prochain celui du colonel Ménard soit donné à l’une de nos rues, rappelant ainsi à nos descendants le nom prestigieux d’un des précurseurs de l’aviation et héros national. »
Sur sa stèle qui s’efface doucement, on peut encore lire:
Victor Ménard
8/6/81-13/4/54
Colonel de l’armée de l’Air
G.O de la Légion d’Honneur
Croix de Guerre 14-18 et 39-40
Neuf Palmes
Pionnier de l’Aviation
Atterrit le premier à Rochefort, sa ville natale en 1911.
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C’est le récit de sa rocambolesque évasion, cette odyssée écrite de la main de Victor Ménard dans son rapport présenté au ministre de la Guerre à son retour de captivité et retranscrit par l’auteur, que nous vous proposons de découvrir dans ce n°20 des Écrits d’Ouest. (Les cahiers des Écrits d’Ouest peuvent être commandés ici : Société rochelaise d’histoire moderne et contemporaine, BP33, 97 rue Gambetta, 17002, La Rochelle cedex.)
Bruno BAVEREL Enfant, il a suivi ses parents à travers le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, le Vietnam et la Corse avant de venir retrouver ses racines familiales en Charente-Maritime. Il pensait faire une carrière de musicien avec son groupe de jazz rock, « Facteur Cheval », dans les années 70-80, mais finalement il se tourne vers l’écriture avec un premier roman Lieutenant indigène, sorti en 2007 aux éditions La Découvrance. Deux autres romans suivront avec Etienne et les sirènes, en 2009 suivi de Tintouin chez les Papous en 2011, toujours chez le même éditeur. La sortie d’un quatrième roman est prévue au premier semestre 2014 avec son nouvel éditeur, Geste éditions. À noter également, coté musique, la reformation, trente ans plus tard, du groupe facteur Cheval renforcé désormais d’une choriste. L’enregistrement d’un CD et des concerts sont prévus aux environ de l’été 2013. À suivre…..!