Le 16 septembre 2012 lors du meeting Aérien Franco-Polonais de Lens-Benifontaine, Jean-Philippe Chivot nous à présenté de façon sublime son Beech D17S Staggerwing, le F-AZJP (cn 6738) construit en 1944 et basé depuis plus de 20 ans à Abbeville.
Le prototype du Beech 17 « Staggerwing » a volé pour la 1ère fois le 4 novembre 1932, cet avion a été conçu comme étant un biplan rapide et puissant pour se rendre utile aux hommes d’affaires toujours plus pressés . Le beech D17S est un biplan quadriplace en bois et toile à train rentrant dont l’esthétisme soigné lui donne encore fière allure de nos jours. Équipé d’un moteur en étoile Pratt & Whitney R-985 » Wasp Junior » de 450 ch, il croise à environ 250 à 260 km/h à 3500 pieds avec 4 personnes à bord pour une consommation de 80 litres/heure. Il approche à 130 km/h et touche à 75 km/h pour s’arrêter en 350 à 400 m . Le D17S fut construit à 67 exemplaires civils et 412 exemplaires militaires sous la désignation UC-43.
Le nom de Staggerwing du Beech 17 qui signifie « Ailes décalées » vient de la disposition très inhabituelle de ses ailes pour un biplan , celle du haut étant plus en arrière que celle du bas . Cette disposition visait à améliorer la visibilité du pilote tout en réduisant les interférences entre les ailes. Mais cette disposition n’est pas sans inconvénient selon Jean-Philippe : « L’atterrissage est peu ordinaire car sans précautions l’aile du dessous décroche d’abord, l’avion s’enfonce vers l’avant et rebondit allègrement sur son train à ressorts boudins mal amortis. Il faut donc avoir la bonne vitesse pas trop élevée et mettre les volets à fond sur l’aile inférieure, ce qui fait qu’elle décroche en même temps que celle du dessus.«
Voici le témoignage de Jean-Philippe Chivot au sujet de son Beech D17S « Staggerwing » :
Le mien a été construit en 1944 dans le dernier lot pour les militaires US. Il a été réceptionné par la marine US à San Diego et n’a pas servi à grand chose avant d’être vendu au Mexique. Il a un peu volé aux alentours de Mexico jusqu’à être racheté par un américain de Los Angeles en 1960 qui l’a revendu à un pilote de la TWA en 1961. ce dernier a très peu volé, il a fait réviser le moteur et l’a équipé de freins à disques à étrier et plaquettes.
Les Beech D17S et F17S sont équipés d’origine d’un système de freins à empilement de disques fixes et de disques tournants, empilement que l’on serre avec des pistons hydrauliques, malheureusement ce système de freinage a envoyé pas mal de Staggerwing sur le pif. Ça freine pas ou peu, puis tout d’un coup un disque mobile se déforme sous la chaleur et le tout se bloque. Au moins deux sur trois des Staggerwing en état de vol ont conservé des freins à empilement de disques, car pour les remplacer par des freins à étrier et plaquettes, il faut récupérer des freins de Beech G17S et ça devient très difficile.
Avant 1960 il a eu vraisemblablement un accident car 3 ailes étaient de 1944 et une aile supérieure de 1939 (on peut supposer une sortie de piste et choc contre un hangar)
Je l’ai acheté à Los Angeles en 1990 et l’ai fait ramener en container, comme indiqué par l’usine en 1944, par le canal de Panama. A l’arrivée au Havre la corrosion due à la chaleur et au sel avait fait que tous les câbles de commandes étaient bloqués.
J’ai volé pendant presque 20 ans en France, Suisse, Belgique jusqu’au moment où au cours d’un vol d’essai pour des journalistes je n’ai pu remonter la pression d’essence à la pompe à main après un changement de réservoir. J’ai du me poser train rentré dans un champ avec 4 personnes à bord. les dommages furent importants mais j’ai fait reconstruire les parties usées ou endommagées et c’est la deuxième fois depuis sa restauration qu’à Lens je le présentais en meeting, toujours avec de petits problèmes de réglages très agaçants.
Au cours de la reconstruction je me suis aperçu que la construction en série d’avions en bois avait des conséquences néfastes. Ce fut le cas pour les Tiger Moth construit par les usines Morris en Angleterre et les Staggerwing. Pour que ça aille plus vite la colle employée était de la colle à l’urée à séchage très rapide et les assemblages de bois sur gabarit étaient bourrés de colle et maintenus en place par des tasseaux cloués en contreplaqué. Conséquences: la colle à l’urée cristallise à la longue et ne colle plus et les petits clous des tasseaux rouillent et se détachent. Il faut tout refaire avec des bois modernes et des colles d’aujourd’hui.
Le Staggerwing est très agréable en présentation car il restitue remarquablement en montée l’énergie acquise lors d’un piqué. Il ne décroche pas vraiment à cause des ailes décalées qui font que, je l’ai dit, l’aile du dessus décroche bien après celle du dessous. l’avion plonge et reprend de la vitesse. Cela intervient aux alentours de 65 km/h ce qui est ridiculement faible pour un avion de plus de 2 tonnes.
Sur le Beech G17S qui a succédé au D17S, la dérive est un peu plus grande pour améliorer le contrôle directionnel, la liaison parebrise capotage moteur est plus fluide, les tôles de carénage de roues n’ont plus le triangle d’évidemment, les freins sont à disque avec des plaquettes comme pour des freins actuels et comme sur le F-AZJP, et le manche basculant n’a pas le même dessin. Sinon le reste et les performances sont rigoureusement identiques.
Le Beech 17 quasiment entièrement construit à la main et équipé sur mesure ne résista pas à la concurrence du Beech 35 Bonanza, avion tout métal plus moderne à performances sensiblement équivalentes pour le tiers du prix . Seulement Vingt Beech G17S furent vendus et sa production s’arrêta en 1948 . Au total, 781 Beech 17 » Staggerwing » furent fabriqués en huit modèles différents au cours des 16 années de production . Seulement trois Beech D17S « Staggerwing » sont en état de vol en France plus un stocké en parfait état, alors si vous avez l’occasion d’en voir voler un régalez vous les yeux.
Source des informations :
Jean-Philippe Chivot proprietaire du Beech D17S Staggerwing F-AZJP
Le Fana de L’aviation N°515 Octobre 2012
Jean-Philippe Chivot proprietaire du Beech D17S Staggerwing F-AZJP
Le Fana de L’aviation N°515 Octobre 2012